C’est une maladie singulière qui atteint la région natale d’Indrek, le héros estonien de Tammsaare : comme tant d’autres elle se propage insidieuse de village en village, mais elle ne touche que les enfants. Au début, chacun comprend pourquoi le châtiment divin s’abat sur une famille de mauvaise réputation. Puis, il faut interpréter : puisque les fils de celui-ci sont morts, c’est bien lui qui avait volé le cheval de son voisin. Enfin la maladie s’étend. Les enfants meurent. C’est le silence.
Souvent, j’ai demandé à mon père, qui avait conservé notre unique traduction disponible, de chercher dans le roman les mots de l’auteur expliquant la morale de son récit. Je pouvais presque lui donner la page…Quel idiot je faisais ! Bien entendu il ne les a jamais retrouvés. Car la Littérature n’explique pas, elle donne à voir. En l’occurrence, après la mort des enfants, un monde où bientôt il n’y aurait ni dieu, ni sens, mais juste la douleur et la mort - toutes choses dont la science ne pourrait nier l’existence.
Parler de littérature est donc entrer dans des univers différents, un peu comme on regarde les formes dans les nuages : des mondes où un dieu omniprésent met chaque jour des géants, des dragons et des lions sur le chemin des chevaliers ; d’autres où il enlève les géants et les remplace par des moulins à vent ; des mondes qui se rejoignent (« Rome seule pouvait à Rome ressembler » écrivait Du Bellay) ou bien qui se séparent (Shakespeare ? « Des pièces de foire d’il y a deux cents ans ! » selon Voltaire) ; des mondes que l’on voit naître et s’effondrer, et qui sont les miroirs des nôtres.
Ainsi, lors de ces premiers cours, nous pourrons observer comment le genre très codifié de la tragédie (conçue il y a deux-mille cinq-cents ans pour être à l’image du Cosmos grec) se perd dans un Moyen-Âge au théâtre protéiforme… Puis renaît transfiguré au XVIIème siècle, dévoilant les premiers déchirements de l’Époque Moderne, entre Baroque et Classicisme…et finit par se fondre dans le Drame Romantique. Une histoire de la tragédie qui nous fera rencontrer Sophocle, Shakespeare, Racine ou encore Hugo, mais surtout dont les vestiges dans la littérature contemporaine nous permettront de lire ce qui vit, en nous, de ces mondes du passé.
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